LA CLOCHE DE NOTRE ÉGLISE
(classée monument historique le 5 décembre 1908)
A quand pourrait remonter l’existence des cloches, dans nos villes et nos villages ?
Nul ne saurait le dire… Cependant, nos églises romanes, dont les plus anciennes ont été construites au IXème et Xème siècle, et plus souvent au XIème et XIIème siècle possédaient un clocher, qui servait de beffroi et donnait l’alarme aux habitants en cas de danger.
Nos ancêtres, comme nous tous, ont eu la vie marquée par le tintement des cloches. Les jours de joie, les jours de fêtes, et même nos jours de tristesse infinie, s’écoulent avec leur tintement harmonieux.
Depuis l’an 1095 (pendant la 1ère croisade) les cloches sonnent le matin, le soir, également à midi (à la demande de Louis XI) l’appel de la prière, l’angélus, qui a pris naissance dans la cathédrale SAINT PIERRE de SAINTES, pour aller à la conquête du monde.
Le clocher de RIOUX, haut d’une trentaine de mètres, reconstruit au XIVème siècle à l’entrée de l’église (on a pris sur la nef, ce qui est facile à voir de l’intérieur), est doté d’une belle charpente, qui a été refaite en 1971 au moment de la restauration de la voûte de l’église. Par les fenêtres on découvre la campagne environnante, et les villages de la commune.
La charpente qui supporte la cloche est magnifiquement robuste et soignée, ce qui est nécessaire pour soutenir une cloche qui pèse plus de 600 kgs.
D’après nos archives, le 8 Avril 1866, le Curé de RIOUX – Monsieur ANFRIEN – après une réunion du conseil de fabrique (à cette époque, organisation représentée par plusieurs habitants de la commune, qui avec Monsieur le Curé, gère les biens de l’église) écrit à Monsieur le Maire et au conseil municipal de RIOUX pour attirer leur attention sur le besoin urgent de faire refondre la cloche, fêlée depuis longtemps. Les habitants du bourg se plaignent et encore plus ceux des villages, même les moins éloignés de ne pas l’entendre sonner.
La fabrique n’ayant pas les fonds nécessaires pour une pareille dépense, demande le secours de la commune. Pour une cloche de 5 ou 600 kgs la fabrique offre 600 francs.
Un don a été promis pour l’achat d’une deuxième cloche si la commune en achète une plus petite.
Le 28 Août 1866, Monsieur le Curé de RIOUX reçoit une lettre, en réponse à celle qu’il avait adressée à Maître BOLEE, fondeur de cloches à ORLEANS, lui donnant les prix et les renseignements en vue de l’achat et l’installation d’une ou deux cloches, avec reprise de la cloche fêlée.
Une demande du conseil municipal a été faite à la préfecture pour solliciter de l’état une somme de 500 francs pour aider à l’achat d’une nouvelle cloche ; secours d’ailleurs qui sera refusé, l’Etat ne pouvant pas venir en aide pour l’achat d’objets mobiliers.
Dans une délibération de Juin 1867, le conseil municipal réuni sous la présidence de Monsieur MEAUX, Maire, après avoir pris connaissance du devis de Maître BOLEE, décide l’achat d’une nouvelle cloche de 600 kgs environ.
D’après le devis, la dépense s’élèvera à 2 542 francs, avec la reprise, pour être refondue, de la vieille cloche. Cette dépense sera acquittée au moyen des ressources suivantes :
- 1er vote de la fabrique : 600 Francs
- 2ème vote de la commune : 1 200 Francs
- 3ème vote don anonyme : 500 Francs – 2 542 Francs
- 4ème vote valeur de la vieille cloche : 242 Francs
La nouvelle cloche sera fournie par le Sieur BOLLEE en métal de première qualité (bronze) composé de 78 parties de cuivre rouge chili affiné et de 22 parties d’étain fin, et d’un moulage sans aucun défaut, avec de belles ornementations style XIIème siècle, moyennant la somme de 2142 Francs.
Les travaux d’installation de la cloche avec confection de la charpente du beffroi par Monsieur MARCHEGAY pour le prix de 400 Francs, sur les plans et devis de Maître BOLLEE avec maintes explications.
Les 1200 Francs qui manquent à la commune seront prélevés en impôt sur l’année suivante en 1868, avec l’approbation de la préfecture.
La cloche sera livrée par le train en gare de SAINTES, la cloche fêlée sera envoyée à ORLEANS par le même transport, mais aux frais de la commune de RIOUX. Il y aura donc quelques frais supplémentaires : la nouvelle cloche pèsera 611 kgs 500 au prix de 3,57 Francs le kg, la cloche fêlée ne pèse que 250 kgs, elle est reprise au prix de 2,30 Francs le kg.
La nouvelle cloche fut livrée en Août 1867, installée par la suite, mais le règlement final ne s’est effectué qu’en 1869. Nous avons la dernière quittance. Dans la lettre qui lui était jointe, Maître BOLLEE signale à Monsieur le Maire de RIOUX, qu’il vient de fournir une cloche à MONTPELLIER ; les habitants ayant apprécié le son de la cloche à RIOUX, ils en avaient passé commande.
Aux archives départementales de LA ROCHELLE, j’ai découvert cet écrit de Mr PACAUD :
La cloche actuelle porte l’inscription suivante :
« J’ai été fondue sous l’invocation de la bienheureuse Vierge Marie de l’Assomption, Napoléon III régnant et Monseigneur Léon BENOIT, Charles THOMAS évêque de LA ROCHELLE et SAINTES.
Mr PACAUD
J’ai eu pour parrain Monsieur Alfred Emmanuel TERCINIER et pour marraine Madame Geneviève Amarélise Zulma FABVRE, veuve DROUILLARD.
Monsieur François Xavier ANFRUN était curé et Monsieur Pierre MEAUX maire de RIOUX ».
Jusqu’en 1971, une corde accrochée solidement, servait à sonner la cloche. Le sonneur était vraiment bien occupé : le matin, à midi, le soir, de plus toutes les cérémonies, les messes du dimanche et des jours de fêtes.
En ce temps là on sonnait encore le glas, quand une personne de la commune venait à mourir… il fallait savoir faire … Monsieur CHAPIER fut notre dernier sonneur.
Depuis 1958, en haut du clocher, pas très éloignée de la cloche, une armoire renferme l’horloge, (fabriquée en Vendée) don de Monsieur et Madame G. & B. BOUILLAUD à la commune de RIOUX. Une petite plaque de cuivre rappelle le nom des généreux donateurs.
La cloche fut électrifiée. Elle sonne les heures, les demi-heures et l’angélus à 7 h 15, à 12 h 15 et le soir à 19 h 15. Une minuterie a été ajoutée pour faire sonner la cloche pour les diverses cérémonies.
Depuis 1995, l’horloge de l’église étant souvent déréglée, et réclament un ouvrier spécialisé, la commune a fait l’achat d’une horloge électronique qui se met automatiquement à l’heure de Strasbourg à tous les changements d’horaires. On n’arrête pas le progrès …
Actuellement, l’horloge de Monsieur BOUILLAUD est placée dans le transept droit de l’église.
Souvenir d’une époque.
Un incident, heureusement sans conséquence grave, avait en mai 1926 alerté les habitants de RIOUX.
Un jour de mariage, à la sortie de l’église on sonnait la cloche à toute volée … C’était le mariage de Melle Berthe RIVIERE avec Mr RIDEAU, soudain le battant de la cloche s’est détaché, et il est venu tomber aux pieds des mariés et de quelques invités, dont Mr Eugène BOUQUET faisait partie. Tous en ont été quittes pour la peur.
Les mariés de ce jour sont décédés, mais Monsieur Victor ROBION, qui à l’époque avait dix huit ans, et habitait le bourg, se rappelait très bien de l’émotion générale.
Les cloches de nos villages chantent la vie, et rien n’est plus triste qu’un pays où les clochers abandonnés restent muets.
(*) – « Baptême de la cloche », pris sur la monographie de RIOUX écrite par Mr PACAUD, ancien instituteur à RIOUX au début du siècle dernier.
Jacqueline BIBARD
1992